Vous ne le saviez peut-être pas, mais depuis juin 2017, outre la newsletter, Facebook et Twitter, le blog « Les Communs d’Abord » diffuse sa veille sur son compte Mastodon.
Mastodon, qu’est-ce donc ?
Vous avez peu de temps ? Voici une petite vidéo de 1’37 en anglais sous-titrée en français.
Mastodon est un réseau social qui permet de partager des messages de 500 caractères contenant du texte, des images et des vidéos. Sur la forme, il ressemble donc beaucoup à son homologue Twitter. Mais sur le fond, c’est une toute autre proposition technique et sociale qui est faite avec ce logiciel, à de nombreux égards :
- il s’agit tout d’abord d’un logiciel libre, c’est à dire que son code est ouvert et que tout le monde peut le copier et le modifier. Cela permet à toute personne ayant les compétences de développer sa propre version du logiciel ;
- Mastodon consiste en un réseau de serveurs gérés par des personnes et des collectifs variés. C’est ce qu’on appelle la décentralisation. Ces serveurs, appelés instances, communiquent les uns avec les autres. Ainsi, de la même manière que vous choisissez votre fournisseur de mail pour vous créer un compte mail, vous choisissez une instance pour créer votre compte Mastodon ;
- en pratique, il n’y a aucun algorithme qui décide à la place des utilisateur⋅ices des contenus à afficher, ni aucune publicité. Votre flux quotidien est donc composé uniquement des posts des comptes auxquels vous êtes abonné⋅e, dans le sens chronologique ;
- en plus de tout ça, Mastodon fait partie d’un réseau encore plus vaste, appelé le fediverse (contraction de « univers » et « fédéré » en anglais) dans lequel on va trouver tout un tas d’autres outils permettant de partager des vidéos, des images, de la musique, des podcasts, des textes longs, des événements, etc. tous reliés les uns aux autres. Avec un seul compte sur un des outils, vous pouvez consulter les contenus et les commenter d’une plateforme à l’autre.
Il faut mesurer ce que cela signifie, notamment concernant la gouvernance : les décisions concernant les contenus (modération) ou les fonctionnalités (interface) ne sont pas centralisées autour d’un⋅e dirigeant⋅e unique. Chaque instance est une véritable communauté qui décide de ses propres règles. On voit donc que, pour certaines instances, on peut avoir à faire à de vrais communs. Une instance comme social.coop par exemple a mis en place un espace de discussion et de vote dans l’outil Loomio.
C’est pour cette raison que l’équipe qui gère le blog a fait le choix de rejoindre ce réseau social dès ses débuts, afin de participer à ce qui était alors perçu comme une expérimentation.
Vous avez beaucoup de temps ? Consultez ce cours sur les médias sociaux libres, fédérés et décentralisés ou ce document collaboratif très complet.
Pourquoi en parler maintenant ?
Parce que désormais, nous n’en sommes plus au stade de l’expérimentation. Le réseau compte près de 8 millions de comptes (dont environ 2 millions d’utilisateur⋅ices actives chaque mois) sur plus de 17000 serveurs rien que pour Mastodon (source). Ces chiffres ont augmenté au fur et à mesure de vagues successives, dont les plus récentes datent de l’automne dernier et sont essentiellement liées aux frasques d’Elon Musk, le milliardaire américain qui a racheté Twitter. Plus ce réseau privateur s’effondre en se refermant sur un modèle payant et des idées libertariennes, plus les abonné⋅es se replient sur d’autres réseaux, dont Mastodon.
Sur le plan de la sociologie, le fediverse, historiquement habité par des libristes, des bibliothécaires et des minorités comme les communautés LGBTQIA+, comprend désormais beaucoup plus de journalistes et professions des sciences sociales. Il est donc devenu lui aussi un sujet d’études académiques, comme on peut le voir par exemple avec cette thèse de doctorat d’Audrey Guélou intitulée « Configurations techno-éthiques pour les médias sociaux décentralisés et fédérés » ou cette étude sur les impacts sur la santé mentale de Simone Bless.
Les utilisateur⋅ices ont également plus de recul sur le fonctionnement du réseau, notamment les personnes responsables d’instances. On sait par exemple que l’apprentissage de la modération n’est pas un chemin bordé de roses, comme nous le rappelle cet article détaillé de Maiwann, membre de Framasoft.
Faut-il quitter Twitter pour Mastodon ?
C’est une question que beaucoup de monde se pose, notamment les journalistes de Mediapart dans une émission récente par exemple. Même le journal Le Monde a listé des arguments pour et contre.
Le collectif Point Communs, qui gère les aspects techniques de ce blog et propose des outils libres aux commoners depuis 2016, a décidé de mettre en place sa propre instance de vidéos dès 2018. On y trouve par exemple les vidéos du séminaire de clôture du programme de recherche EnCommuns, la série « À propos d’Elinor Ostrom » par Benjamin Coriat, ou encore une dizaine de vidéos variées sur le thème des communs qui sont sur d’autres instances.
Depuis janvier 2023, .Com1 propose également une instance Mastodon et bientôt une instance Mobilizon (qui permettra de gérer des événements) sera mise en ligne. Et le collectif aussi nous a posé la question de fermer définitivement le compte Twitter du blog afin de ne plus alimenter cette plateforme privatrice et centralisée…
À vrai dire, si nous hésitons encore, c’est surtout pour vous, lecteurs et lectrices du blog. Alors qu’en pensez-vous ? Êtes-vous prêt⋅es à nous suivre sur un nouveau réseau et surtout à abandonner l’ancien ? N’hésitez pas à tester pour vous faire une idée.
- L’instance Mastodon des Communs fonctionne par cooptation : vous pouvez demander l’ouverture d’un compte soit à une personne qui est déjà inscrite, soit par mail à mastodon@lescommuns.org, soit sur le canal de chat dédié aux échanges à propos de cette instance.
- L’instance Peertube des Communs vous accueille également via ce canal de chat dédié pour héberger vos vidéos, si
- vous êtes un acteur des communs ;
- vous prenez soin d’un ou plusieurs communs ;
- vous faites partie du réseau des communs ;
- votre sujet d’étude porte sur les communs.
Pour peupler votre fil d’actualités, voici une liste collaborative de hashtags et quelques comptes actifs récemment en lien avec les communs et les pratiques collaboratives que vous pouvez suivre sur Mastodon : Actu des Communs, Alexis Kauffmann, ANIS Catalyst, Benoît De Haas, Bernard Brunet, C&F éditions, Calimaq, Coop des Communs, Hervé Le Crosnier, Julie Brillet, Julien Lecaille, Lilian Ricaud, Louise Guillot, Maïa Dereva, Métacartes, Michel Briand, Numahell, Olivier Jaspard, Point Communs, Silvère Mercier, Valérie Peugeot.