Dans un article publié en mars 2021 au sein de la revue In Situ. Au regard des sciences sociales, Elisabetta Cangelosi, analyse le lien, peu exploré, entre justice de genre, droits des femmes et biens communs. Cela en explorant deux domaines principaux : les droits à la terre et justice environnementale d’un côté, et les biens communs urbains et les espaces culturels de l’autre. L’analyse se focalise sur le rôle des femmes dans la création et protection des communs, ainsi que sur l’impact du « commoning » sur les droits des femmes. En particulier l’article met en évidence l’importance de la perspective de genre pour analyser les biens communs en relation au patrimoine immatériel.
Article à lire dans son intégralité sur le site de la revue In Situ. Au regard des sciences sociales.
Extrait :
Le débat sur les biens communs est particulièrement d’actualité. Les biens communs sont notamment un sujet de réflexion dans le domaine politique (parmi les mouvements sociaux comme au sein de certaines administrations locales – cela en particulier en France, Italie et Espagne), dans le domaine de l’économie, plus spécifiquement de l’économie sociale et solidaire (étant donné que les biens communs sont souvent présentés comme une alternative à la crise économique et sociale), et finalement dans le domaine du droit puisque la définition juridique des biens communs reste un sujet débattu. Les questions de genre sont quant à elle un sujet extrêmement transversal : les principes de l’approche intégrée de la dimension de genre (autrement désignée « gender mainstreaming ») – c’est-à-dire la nécessité de prendre en considération l’inégalité entre hommes et femmes, l’impact différentiel et les besoins spécifiques – sont répandus dans toutes actions et interventions entreprises aussi bien au niveau des organisations internationales, des administrations publiques que des instances locales. Cependant, très peu nombreux sont les chercheurs qui ont analysé les relations entre biens communs, droits des femmes et justice de genre. Parmi les mouvements féministes (et en particulier dans la perspective écoféministe), un intérêt existe, aussi bien dans les pratiques que dans la réflexion politique, mais le point de repère théorique principal (et presque unique) reste la réflexion menée par Silvia Federici, traduite en plusieurs langues et adaptée en plusieurs circonstances.
La dimension de genre et l’approche féministe offrent pourtant une perspective d’analyse intéressante pour interpréter les dynamiques liées aux biens communs, à la fois eu égard au rôle joué par les femmes dans la protection, la tutelle et même la « réinvention » des biens communs et des rapports de propriété, et eu égard à la pertinence des batailles en faveur des biens communs dans les luttes pour le droits de femmes et la justice de genre.
Il est donc intéressant d’appliquer une perspective de genre non seulement parce que les déséquilibres de pouvoir caractérisent tous les aspects de la société (y compris donc les biens communs), mais aussi parce que cette perspective contribue à renforcer l’interprétation des biens communs comme outil de changement social. De plus, en considération de la diversité des contextes, les biens communs contribuent à redéfinir les modalités d’accès des femmes aux ressources ainsi qu’au patrimoine immatériel et aux droits sociaux.
Ainsi, une perspective « de genre » contribue mieux que d’autres approches interprétatives à relier les différentes typologies des biens communs. Touchant les notions de communs urbains et de droit au logement, de droits à la terre et de justice environnementale, aussi bien que les notions de travail productif et de travail reproductif, la réinvention des communs et les revendications des femmes se renforcent réciproquement.
Source : Elisabetta Cangelosi, « Une perspective de genre pour les biens communs », In Situ. Au regard des sciences sociales [En ligne], | 2021, mis en ligne le 18 mars 2021, consulté le 09 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/insituarss/1049 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insituarss.1049
Photographie de couverture : © Laure Boyer / Hans Lucas, distrib. AFP.