De la créativité réglementaire pour les tiers lieux
L’association France Tiers-Lieu, l’Agence nationale de la cohésion des territoires et le laboratoire de transformation publique La 27e Région ont mené depuis septembre 2020 une exploration juridique sur le terrain des tiers-lieux, créateurs de communs. Ils présentent aujourd’hui les résultats de cette démarche, plus connue sous le nom de « Juristes embarqués ».
A l’automne 2020, l’association France Tiers Lieux, l’Agence nationale de cohésion des territoires et la 27e Région ont lancé le projet « Juristes embarqués » autour des enjeux juridiques des tiers-lieux, et plus particulièrement ceux visant à s’organiser comme des communs.
« Il s’agit de démarches se constituant en collectif pour gérer un lieu ou des services, associant leurs usagers à la gouvernance, innovant dans leurs manières de privilégier l’usage sur la propriété ou de penser leurs relations au travail et au salariat » rappelle Louise Guillot, cheffe de projet à la 27e Région.
Or, de telles démarches sont souvent démunies face au droit. Selon la cheffe de projet, « les collectivités et les commoners (communauté regroupée autour de la préservation et de l’usage d’un bien commun, NDLR) se heurtent à un cadre juridique non adapté et de ce fait sont condamnés à rester dans une fragilité qui peut les amener à être tenus responsables sur le plan civil et pénal ».
De ce constat est donc né un dispositif d’enquête inédit, mobilisant étroitement des juristes et des acteurs locaux. Pendant 6 mois, les Juristes embarqués sont partis au contact de trois territoires et neuf tiers-lieux afin d’explorer les innovations juridiques mises en place par les porteurs de projet pour mieux les comprendre et faciliter leur diffusion auprès de l’ensemble des tiers-lieux partageant les mêmes préoccupations. Une vingtaine de pratiques qui présentent des enjeux juridiques forts sont alors étudiées de près : certaines parce qu’elles sont particulièrement innovantes dans leur usage du droit, d’autres parce qu’elles pointent des problématiques récurrentes.
« Au fil de l’enquête, nous nous sommes notamment rendus compte de problèmes récurrents que les porteurs de projet rencontrent. Par exemple, lorsqu’ils font face aux services juridiques des collectivités qui appliquent des règles trop strictes alors qu’elles pourraient en adopter d’autres. Je m’explique : sur certains projets, les collectivités vont appliquer les règles des marchés publics alors qu’elles pouvaient appliquer celles relatives au domaine public, plus souples. Nous plaidons pour un changement de posture et l’adoption d’une approche du moins-disant juridique dans certains cas » détaille Louise Guillot.
Dans leur rapport final, les Juristes embarqués envisagent d’autres solutions comme la préfiguration de dispositifs d’ingénierie afin de répondre de manière plus systématique aux problématiques juridiques des tiers-lieux et l’identification de potentielles propositions d’évolutions réglementaires qui permettraient de sécuriser les lieux créateurs de communs et de faciliter la pratique des communs