Deux chercheurs américains ont publié en juillet dernier un article dans la revue Games and Economic Behavior qui tendrait à prouver que « les individus sont naturellement prédisposés à abuser des ressources partagées (Common-Pool Resources) comme les transports ou les réserves de poissons, même si cela doit conduire à la disparition de la ressource, au détriment de la société toute entière« .
Ils s’appuient sur des expérimentations conduites à partir de la théorie des jeux, c’est-à-dire « un ensemble d’outils pour analyser les situations dans lesquelles l’action optimale pour un agent dépend des anticipations qu’il forme sur la décision d’un autre agent » (Wikipédia). Ces chercheurs mettent en avant notamment « l’équilibre de Nash » (nommé ainsi d’après John Nash, prix Nobel d’économie en 1994), qui décrit une situation où les acteurs d’un système n’ont plus intérêt à modifier leurs décisions sans affaiblir leur position personnelle, même si d’un point de vue global, les stratégies suivies par les acteurs sont sous-optimales (voir par exemple, le dilemme du prisonnier).
Les résultats obtenus par ces deux chercheurs semblent aller à l’encontre des conclusions auxquelles Elinor Ostrom avait abouti au terme de ses recherches sur les Communs. Ils estiment notamment que les risques d’épuisement d’une ressource sont moins élevés lorsqu’une autorité centrale en prend soin.
Néanmoins, Elinor Ostrom s’est elle-même appuyée sur la théorie des jeux au cours de ses recherches. Elle admet que des situations comme celles de l’équilibre de Nash sont possibles (voire même probables), lorsque les acteurs sont confrontés à devoir prendre des décisions dans des conditions de risques et de non-collaboration. Mais dans son livre « Governing the Commons« , elle montre que ces difficultés peuvent être surmontées à condition que le groupe gérant la ressource arrive à mettre en place des principes de gouvernance répondant aux critères suivantes :
— des groupes aux frontières définies ;
— des règles régissant l’usage des biens collectifs qui répondent aux spécificités et besoins locaux ;
— la capacité des individus concernés à les modifier ;
— le respect de ces règles par les autorités extérieures ;
— le contrôle du respect des règles par la communauté qui dispose d’un système de sanctions graduées ;
— l’accès à des mécanismes de résolution des conflits peu coûteux ;
— la résolution des conflits et activités de gouvernance organisées en strates différentes et imbriquées.