Le Centre de Recherches Juridiques de Grenoble inaugure le 1er mars prochain un séminaire consacré à la question des Communs, en accueillant Fabienne Orsi qui dresse une généalogie des communs et présentera le Dictionnaire des biens communs.
Présentation du séminaire :
Depuis que Elinor Ostrom s’est vu remettre en 2009 le prix de la banque de Suède en sciences économiques pour ses travaux sur la « gouvernance des biens communs », la thématique des communs a reçu une publicité considérable qui dépasse d’ailleurs le cadre étroit des universités. Étendards de mouvements sociaux (la « remunicipalisation » de l’eau en Italie) et d’expériences citoyennes diverses (« Assemblée européenne des communs »), thème de réflexion et de célébration de nombreux festivals et réunions populaires à travers le monde (« Le temps des communs »), les biens communs ou les communs ont reçu ces dix dernières années une attention à la hauteur du potentiel transformateur qu’ils paraissent promettre.
La littérature académique – qu’elle soit économique, juridique, anthropologique, sociologique ou philosophique – accompagne le mouvement et s’interroge désormais, après une période d’intense réflexion, souvent en ordre dispersé, à laquelle n’ont échappé que très peu d’objets, sur le sens de la constellation de mots qui accompagne aujourd’hui la réflexion scientifique : commons, communs, commun, biens communs, beni comuni.
Ce travail de généalogie et de synthèse, auquel se sont livrés d’importants travaux pionniers aux États-Unis et en Italie, paraît d’autant plus nécessaire que le « commun » (et ses déclinaisons) – concept chargé d’histoire et mobilisé, comme on l’a vu, par différents champs disciplinaires parfois cloisonnés –, a été à l’origine d’innovations juridiques et politiques concrètes et de projets législatifs forts, tel le rapport de la Commission Rodotà en 2008, mais qui échappent encore à notre parfaite compréhension. Comment appréhender les pools de brevet, les licences libres dites « copyleft », le Système Multilatéral mis en place par le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ? Comment comprendre, à partir de nos catégories juridiques et philosophiques modernes, les systèmes d’irrigation gérés par des communautés locales, les variétés populations développées par les membres du Réseau Semences Paysannes, les revendications des populations autochtones sur leurs territoires, ressources et savoirs associés ? Quel sens donner à la propriété aujourd’hui, à l’ère de l’Anthropocène et de la crise climatique, et quelle place pour des formes collectives de propriété dans un système juridique qui a indéfectiblement lié liberté et propriété individuelle et dont le sujet abstrait, pensé comme maître absolu du monde extérieur (la « nature » dont l’homme est exclu), constitue l’infrastructure ?
C’est à cette série de questions que le présent séminaire s’efforce de répondre, en interrogeant en arrière-plan l’unité possible du concept et son potentiel d’innovation juridique, politique et sociale.