Les biens communs sont de plus en plus présents dans le discours scientifique, médiatique et militant. Mais une autre notion fait aussi un retour marqué : celle du bien commun. Biens communs et bien commun ne correspondent pas à la même notion, même si des recoupements sont possibles. On pense notamment à l’ouvrage « Économie du bien commun » publié l’an dernier par le Prix Nobel d’économie français Jean Tirole.
Dans cet article du journal Le Monde, l’économiste Mathieu Detchessar rappelle les racines philosophiques anciennes du bien commun et s’efforce d’expliquer pourquoi ce concept voisin de l’intérêt général resurgit aujourd’hui, en lien avec la critique d’une certaine dérive de l’économie capitaliste.
Extrait :
(…) il faut revenir à l’approche très concrète de l’économie qui était celle des vieux théoriciens du bien commun, notamment Aristote et Thomas d’Aquin. Dans leur perspective, l’homme, par son travail et ses entreprises, ne produit pas que des choses abstraites comme du profit, de la valeur ajoutée ou des points de PIB. Non! A travers ses activités, l’homme façonne le monde en lui ajoutant des choses : des voitures, des routes, des bâtiments, des villes, des centrales nucléaires, des produits alimentaires, des contenus culturels… Il crée le monde commun dans lequel il va ensuite se nicher et pouvoir (ou pas) se développer, pouvoir (ou pas) rencontrer les autres de façon harmonieuse, bref, trouver (ou pas) son plein accomplissement et son bonheur.
Il est donc fondamental de se poser la question de savoir si toutes ces activités créatrices participent au bien commun, c’est-à-dire tout simplement à la construction d’un monde « bon » pour les hommes et leur épanouissement. L’évaluation éthique est prioritaire par rapport à l’évaluation économique : rien ne sert de créer de la valeur ajoutée, de la croissance et même de l’emploi, si c’est pour construire un monde dévasté, triste, invivable… La question première n’est pas : est-ce que c’est profitable ou est-ce que ça crée de la croissance, mais cela est-il bon pour les hommes? Le profit est une belle chose mais tant qu’il demeure le moyen de la poursuite d’une activité économique dont la finalité est de servir le bien commun.
Source : Mathieu Detchessar. « Le retour du bien commun », 12/01/2017