Quel est notre niveau de dépendance aux technologies ? Technologie numérique, technologies des « macro systèmes techniques » (énergie, transport ferré, routier, logement…) évoluent-elles dans les mêmes proportions ? Face aux défis actuels, quelles attitudes de gestion et de transformation sont à valoriser ? Pour répondre à ces questions, Alexandre Monnin, philosophe et directeur scientifique d’Origens Media Lab, était invité par l’École urbaine de Lyon, en dialogue avec Ernesto Oroza.
=> On pourra réécouter ce dialogue sur le podcast de l’École Urbaine de Lyon.
Dans cette conversation, Alexandre Monnin propose « d’envisager certaines technologies, désormais déphasée au regard de l’horizon anthropocénique, à la manière de « communs négatifs » – des réalités dont des collectifs et des territoires héritent collectivement, malgré elles, et qui participent de la défuturation évoquées par Fry (en contribuant à un avenir dystopique ou à l’absence pure et simple d’avenir). »
« Aujourd’hui, face à la multiplication des luttes pour faire reconnaître la valence négative de technologies comme la 5G ou les objets connectés, il est vital d’inventer les nouvelles institutions qui permettront à des collectifs et des territoires aux situations contrastées de se réapproprier démocratiquement l’horizon (cosmo)technique. » – Alexandre Monnin
Ressources complémentaires :
Commun négatif, une définition à partir du site Politques des Communs :
La notion de « commun négatif » est proposée et développée par Alexandre Monnin et Lionel Maurel.
Les communs négatifs désignent des “ressources”, matérielles ou immatérielles, « négatives » tels que les déchets, les centrales nucléaires, les sols pollués ou encore certains héritages culturels (le droit d’un colonisateur, etc.). Tout l’enjeu étant d’en prendre soin collectivement (commoning) à défaut de pouvoir faire table rase de ces réalités. Aussi s’agit-il d’un élargissement de la théorie classique des communs, notamment par rapport à l’approche « positive » des Commons Pool Resources proposée par Elinor Ostrom, qualifiée parfois de “bucolique” par Alexandre Monnin. L’approche par les communs négatifs tourne autour de deux axes majeurs a) le fait d’accorder une valeur négative à des réalités souvent jugées positives – les réserves d’énergie fossile, le numérique, etc. (ce que l’on pourrait qualifier de lutte pour la reconnaissance en considérant que tout commun est d’abord un incommun chargé d’une conflictualité) et b) le fait de bâtir de nouvelles institutions susceptibles de permettre à des collectifs de se réapproprier démocratiquement des sujets qui leur échappaient jusqu’à présent, en particulier la co-existence avec les communs négatifs, plus ou moins mis à distance (on peut songer aux récentes mesures prises par des maires au sujet des pesticides mais aussi au numérique demain, sur le même modèle). Cette réappropriation par le détour de nouvelles institutions pose de nombreuses questions : d’échelles, de compétences, de subsidiarité, de droit ascendant, etc.
Par ailleurs, les communs négatifs peuvent induire l’idée de “communautés de non-usage”, autrement dit, de collectifs cherchant à ne plus utiliser certaines entités autrefois qualifiées de ressources (à l’opposé, cette qualification constituait clairement une désinhibition facilitant et légitimant les démarches extractivistes).
À lire également :
– Les communs au prisme des « droits de la nature ». Humains et non-humains : vers de nouveaux agencements socio-écologiques, 2019
– Maurel Lionel, Le Zéro Déchet et l’émergence des « Communs négatifs », 2018
– Entretien avec Alexandre Monnin, 2017