Aujourd’hui, la notion de « communs négatifs » est mobilisée comme levier pour penser les enjeux écologiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés.
Désignés comme des ressources négatives, matérielles ou immatérielles (déchets, centrales nucléaires, sols pollués ou encore certains héritages culturels comme le droit d’un colonisateur, etc.), il s’agit, pour les auteurs qui mobilisent cette notion, d’alerter sur la nécessité de prendre soin collectivement (commoning) de ces réalités, à défaut de pouvoir en faire table rase.
À ce titre, on pourra consulter les travaux d’Alexandre Monnin et Lionel Maurel, ou encore ceux de Bruno Carballa et Anne Rumin, qui mobilisent les communs négatifs pour faire valoir les limites de la centralisation étatique et proposer de nouvelles perspectives politiques.
Il est intéressant, pour penser ces enjeux, de revenir sur les travaux de la sociologue et militante écoféministe Maria Mies, qui mobilisait déjà la notion de « communs négatifs » dans un article daté de 2001 intitulé Defending, Reclaiming and Reinventing the Commons.
>>> Defending_Reclaiming_and_Reinventing_the_Commons (PDF)
Les auteures, Mies et Bennholdt-Thomsen, y rejètent la notion de biens communs mondiaux en tant qu’elles ne peuvent considérer les communs sans communauté. Pour elles, comme pour Caffentzis et Frederici, les communs impliquent à la fois des obligations et des droits qui doivent être attachés à un groupe social reconnu.
Mies et Bennholdt-Thomsen réinscrivent la production de communs négatifs dans une critique plus large des systèmes de domination Nord-Sud. La « destruction » est traduite en tant que « reproduction négative », et il ne peut y avoir de réinvention des biens communs dans le Nord industrialisé sans une défense des biens communs dans le Sud.
Extrait :
The positive feeling towards the commons, namely that they grant survival. is separated from the concrete material need, the moral is separated from the economy. Still the moral feeling survives, but somehow hanging in the air.Therefore it can easily be manipulated as everybody’s right to have access to the commons, whether he or she belongs to the community that reproduces the commons or not.As the commons are no longer considered part of the economy, the fact is ignored that they are not pure nature or ‘wilderness’ but have materially to be reproduced. This fact becomes more obvious in the case of ‘negative reproduction’, that is, destruction. People in the North tend to forget that they destroy their commons, socially and materially. Nevertheless they feel the moral right to demand that the Amazon rainforest should be ‘protected’ for them because it purifies their global atmosphere. (The way in which positive feelings like mother love or identification with one’s own native area can be perverted and manipulated, once abstracted from the concrete personal and economic, local context, can be seen in the case of the Third Reich.)
Source : Defending, Reclaiming and Reinventing the Commons, January 2001, Revue canadienne d’études du développement = Canadian journal of development studies 22(4):997-1023 – DOI: 10.1080/02255189.2001.9669952
C’est le second d’article de notre dossier dédié à Maria Mies, après la publication de « Pas de communs sans communauté « (2014)