Alors que vient de s’achever le mois de l’ESS, AOC publie une analyse de l’historien Timothée Duverger titrée « L’économie sociale et solidaire n’est pas soluble dans le capitalisme ».
Alors que vient de s’achever le mois de l’ESS, l’économie sociale et solidaire s’interroge sur un héritage à la fois concurrencé et banalisé. Partagée entre l’héritage associatif et le risque d’une récupération néolibérale, l’ESS se trouve à un tournant : pour ne pas en rester aux réactions défensives visant à préserver ses spécificités, elle esquisse un discours politique qui l’inscrit dans les «utopies réelles», des expérimentations sociales dont le but est de provoquer un changement institutionnel.
À un tel tournant de l’Histoire de l’ESS, Timothée Duverger remobilise les communs comme articulation fondamentale si l’ESS a pour objectif de devenir la « nouvelle norme économique ».
Extrait
Pour le président d’ESS France, Jérôme Saddier, elle est « la norme souhaitable de l’économie de demain, respectueuse des ressources humaines et naturelles ». L’ESS ne défend ainsi plus une biodiversité économique face à la poussée uniformisatrice du marché, mais propose un changement institutionnel dont elle serait l’épicentre.
L’hétérogénéité de l’ESS, où l’on croise par exemple des secteurs très insérés sur le marché comme les banques coopératives, la coopération agricole ou le commerce associé, oblige cependant à préciser le référentiel global sur lequel elle entend appuyer son projet politique. La théorie des communs peut ici être mobilisée, non seulement parce qu’en écho à l’ESS, son approche la situe entre la propriété publique et la propriété privée, mais aussi parce que, centrée sur la gestion des ressources collectives, elle intègre d’emblée les enjeux écologiques, sociaux et démocratiques.
Dans le prolongement des travaux d’Elinor Ostrom, les communs sont souvent définis comme des ressources partagées et gouvernées par des communautés selon un système de droits et d’obligations. Mais il est possible, en suivant Pierre Dardot et Christian Laval, de les concevoir plus fondamentalement comme une co-activité instituante, un « agir commun » édictant des normes axiologiques et juridiques. La théorie des communs renoue alors avec l’utopie démocratique d’une société auto-instituée.
Si l’ESS a pour objectif de devenir la nouvelle norme économique souhaitable, elle ne doit pas simplement s’arc-bouter sur ses valeurs, mais se positionner en pivot de la régulation socio-économique et de la gouvernance politique. Son projet politique doit aussi être un projet stratégique. C’est en travaillant l’articulation entre action collective et action publique, l’alliance entre les communs et les instances politiques, que l’ESS parviendra à modifier l’imaginaire social. Captant les signaux faibles des nouvelles aspirations et des nouveaux besoins sociaux sur les territoires, elle doit pouvoir construire les problèmes et les solutions de demain. L’ESS doit, dans le même mouvement, jouer le rôle de défricheur et de diffuseur des possibles pour la transformation écologique et solidaire de la société.
Article complet : https://aoc.media/opinion/2019/12/02/leconomie-sociale-et-solidaire-nest-pas-soluble-dans-le-capitalisme/