Excellent livre paru en 2008 qui a tout sa place dans une bibliographie sur les communs. Vraiment intéressant sur la différence entre la pauvreté, la misère, la notion de développement. On y apprend que Gandhi a été un précurseur d’un système d’apprentissage alternatifs. Les auteurs proposent aussi une synthèse de la philosophie de Spinoza et de nombreuses références aux « communaux ». A lire ou à relire !
Au delà d’une guerre de civilisation, c’est donc bien une guerre de savoirs qui se joue, qui invite les porteurs de savoirs de subsistance à se considérer comme une espèce en voie de disparition : ces savoirs « sont déclarés caducs, leurs capacités obsolètes, passibles de programmes de rééducation ou de développement » (p. 83). « La pénétration de la civilisation occidentale a toujours été une invasion de savoirs aussi impénétrables que la dureté minérale de ses armes. Dans un premier temps, cette pénétration ne fait pas appel à la raison mais plutôt aux affects qui tendent à influencer le désir des pauvres, afin de les éduquer, ou de les développer, dans le sens recherché par le système. Le paquet des savoirs rationnels occidentaux a besoin, avant d’être accepté, demandé et redemandé, d’être précédé de cette vague irrationnelle de mépris inculqué envers les flexibles, subtils et intimes savoirs locaux, vague de choc qu’Ivan Illich qualifiait de disvaleur » (p. 84-85). Cette intériorisation constitue la clé de ce que les auteurs désignent comme une forme de servitude volontaire : « internalisation des désirs qu’il faut avoir, envie des savoirs des autres, mépris pour les siens propres, qui peut aller jusqu’à la honte intime » (p. 273).
Source : La misère, dévoiement de la pauvreté – La Vie des idées