Vendredi 17 mai 2019 à la MSH de Bordeaux, le programme Fabcom (MSHA/RNA, équipe IDEM, MICA – EA 4426 – Université Bordeaux Montaigne) organise une journée d’étude dédiée aux « communs de l’innovation sociale », coordonnée par Annick Monseigne, Alain Bouldoires et Camille Forthoffer.
L’innovation sociale donne lieu à de multiples interprétations. En 2000, l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) a proposé une définition de l’innovation sociale en tant que « réponses nouvelles aux problèmes sociaux, qui améliorent le bien-être individuel et collectif ». Peut-être peut-on s’entendre sur le fait que l’innovation sociale désigne une rupture par rapport aux pratiques habituelles dans un contexte donné. Indissociable de l’aspiration sociale qui la motive, elle serait un processus de transformation sociale traduisant une volonté de faire autrement face à un mécontentement. Associée à une idée de progrès, l’innovation sociale contribuerait donc au renouveau des usages, au changement d’habitudes pour tendre vers une société plus juste, améliorer le bien-être des individus et des collectivités. En réponse aux crises que traversent notre société, l’innovation sociale s’entend notamment comme levier de reconstruction de liens sociaux. S’il s’agit bien d’une postmodernité produite par des groupes sociaux variés, « il n’en reste pas moins que la réciprocité et la coopération sont aussi vieilles que l’humanité » (Bollier, 2014 : 90).
Dans le même temps, la pensée d’Ostrom (2010) interroge les principes fondamentaux des communs en tant qu’action collective instituante. Dans son approche favorable aux innovations, on voit clairement que ce qui est en partage n’est pas seulement une ressource mais des interactions sociales capables de la préserver et d’éviter l’impuissance collective (Hardin, Bourg, 2018). Le plus souvent ancrées dans le champ de l’économie sociale et solidaire, les démarches d’innovation sociale ont pour dénominateur commun le « faire ensemble » et la quête d’un bien être tant individuel que collectif. Elles relèvent fréquemment de l’entreprenariat social ou de l’économie collaborative et sont fondées sur la confiance et la réciprocité. Mais ces démarches induisent également des processus communicationnels et organisationnels innovants dans lesquels se lovent des visions et des pratiques du commun (Nicolas-Le-Strat, 2016) porteuses de la représentation d’un monde commun, et plus encore, d’un agir commun. « Faire commun » (Bollier, 2014) en s’inspirant de « l’âme des communs » peut rejoindre une certaine utopie de la convivialité que certains auteurs n’hésitent pas à qualifier de révolution dans une approche plus politique, tournée vers l’avenir (Dardot et Laval, 2014).
Nous entendons le commun comme processus de transformation de notre rapport au collectif, comme posture anthropologique revendiquant une forme de décentrement social et culturel et de « savoir être au monde (WinKin, 2003), comme mouvement à « inventer le commun des hommes » (Revel et Negri, 2007). En somme, nous référons à un commun à : imaginer, construire, composer, expérimenter, relancer, renouant avec son lien à l’agir, au moyen d’une communication distanciée des pratiques classiques, une communication sociale et solidaire en quelque sorte.
De la même manière que les communs informationnels ont impliqué une nouvelle organisation basée sur le partage des savoirs et des connaissances, le programme La fabrique du commun : vers un nous éditorial ? pose la question des communs communicationnels. Il propose de considérer comment la communication se redéfinit par le filtre des pratiques alternatives : médias citoyens de Nouvelle-Aquitaine, médias populaires d’Amérique latine. Quelle mission pour la communication dans un contexte où l’innovatIon sociale contribue à la quête du faire pour faire ensemble ? Quel rôle la presse territoriale, en tenant compte de son rapport au web, peut-elle jouer dans le renouvellement des formes de médiation et d’expression entre les citoyens et leurs institutions ? Il n’est plus alors seulement question d’interroger les innovations sociales comme des alternatives économiques mais comme des mouvements susceptibles de replacer le politique et les enjeux démocratiques au cœur de la construction des communs.
Quatre dimensions pourraient définir ce processus éditorial alternatif que nous souhaitons explorer :
- La construction d’un espace créatif pour un nouveau canal de communication capable de produire du commun (imaginer des supports innovants, investir le champ d’expérimentation plastique et graphique : « le nous sensible »
- La construction d’un espace démocratique incarné capable de favoriser la circulation de la parole renouveler les formes d’expression, rendre le lisible visible pour tous) : « le nous dans le Nous »
- La construction d’un espace discursif et d’énonciation éditoriale multi-langages capable de faciliter l’expression de tous les citoyens s’ouvrir à d’autres modes de pratiques, d’usages et d’expériences) : « le nous éditorial »
- La construction d’un espace physique et social de communication capable de déplacer l’attention vers le savoir citoyen (expérimenter un tiers-lieu éditorial) : « le nous communautaire »
Cette journée d’étude a pour objectif de rendre compte et de partager un ensemble d’actions et de réflexions engagées dans des domaines aussi variés que l’économie, le droit, la politique, le design social et civique ou la communication sociale. Une journée de réflexion durant laquelle chercheurs, professionnels et élus sont invités à réfléchir collectivement sur le thème des communs de l’innovation sociale.
Deux entrées de problématiques seront privilégiées :
- Les pratiques du commun comme processus organisationnel de l’innovation sociale. Sont concernés la construction collaborative de connaissance associée au numérique et la culture open source, les coopératives de production, les éco-lieux, les tiers-lieux.
- Les pratiques du commun comme processus interactionnel de l’innovation sociale. Sont concernés le développement d’espaces d’expression et d’engagement, la production de représentations sociales inédites, l’évolution de formes d’expérimentation politique, artistique ou sociale, la prise en compte des pratiques sociales d’usagers.
Cette journée d’étude s’articulera autour de conférences le matin et de tables rondes l’après-midi. Les sessions réuniront des chercheurs de diverses disciplines, des professionnels, et des acteurs de la société civile afin d’aborder les dimensions sociopolitiques, économiques, communicationnelles ou encore méthodologiques.
Bonjour,
Un excellent sujet d’étude qui s’inscrit dans les thematiques du 5e Forum National de l’ESS et de l’innovation sociale. Un appel à contribution est ouvert jusqu’au 29 mai, je vous invite à y répondre sur http://www.forum-ess.fr (site en yeswiki d’ailleurs)
Au plaisir de vous lire.
Cordialement
Jérémie Briand-Wach
Cress Nouvelle-Aquitaine