Dans un article publié sur le site du Pavillon de l’Arsenal, l’enseignant chercheur Victor Petit et L’Atelier Senzu proposent une mise en perspective de la notion de « communs négatifs » en la réinscrivant dans l’Histoire de l’architecture et du design. Un prolongement aux réflexions d’Alexandre Monnin, Lionel Maurel, qui repositionne la question écologique, au-delà une ingénierie environnementale, en tant qu’un enjeu d’architecture des milieux.
Extrait
Il y a cinquante ans de cela, Allessandro Mendini architecte et designer italien dirigeait la revue Casabella, durant les heures de gloire du Radical Design.
« Construire signifie accumuler chose sur chose, marquer pour le meilleur ou pour le pire toujours plus la surface du globe […]. Destin inéluctable de la croûte terrestre, qui, petit à petit, se remplit : centrales électriques, pylônes, fils, aéroports, métros, réseaux routiers, ferroviaires, implantations industrielles, digues, mines, usines, raffineries, ensembles de bâtiments, circuits de service et d’information forment le mécanisme redondant nécessaire à la vie. […] Il faut introduire la notion négative de dé-projet. Le dé-projet c’est le projet conçu à l’envers : au lieu d’augmenter la quantité d’informations et de matières, le dé-projet l’enlève, la réduit, la minimise, la simplifie, il rationalise les mécanismes enrayés. Le dé-projet est une création décongestionnante, qui n’a pas comme objectif la forme architecturale » (Alessandro MENDINI Casabella, n° 410, fév. 1976, p.5[1])
L’architecture aime à se définir comme minimaliste. Avec le dé-projet, ce minimalisme ou cette réduction prend un sens plus radical puisqu’il s’agit bien de soustraire plutôt que d’accumuler, de défaire plutôt que de construire. On peut faire de l’idée de dé-projet un annonciateur de la rencontre du design et de l’anthropocène.
Et ce n’est pas un hasard si les rares philosophes à se référer à ce concept aujourd’hui appartiennent à la mouvance qui prône le principe de redirection écologique et celui de la désaturation qu’elle suppose[2]. Ce sont les mêmes qui se réfèrent au concept de « commun négatif » (proposé par Alexandre Monnin et Lionel Maurel), et qui désignent des “ressources”, matérielles ou immatérielles, tels que les déchets, les centrales nucléaires, les sols pollués ou encore certains héritages culturels, produits de notre monde consumériste. Demain nous n’aurons d’autre choix que de prendre soin de ces ressources négatives dont l’héritage commun nécessitera d’en détourner l’usage sans la possibilité du recyclage.De manière générale, la réponse à la question écologique se limite souvent à une approche environnementale, celle de l’éco-conception d’une part (revenant à limiter les flux de matière et d’énergie et les impacts environnementaux) et celle de l’économie circulaire d’autre part (qui consiste à transformer nos déchets en ressources). Mais si l’une et l’autre sont nécessaires, elles sont pour autant insuffisantes, car elles relèvent d’une ingénierie environnementale plutôt que d’une architecture des milieux. Cette dernière est par définition éco-sociale, et ne sépare pas la question démocratique de la question écologique.
Source : https://www.pavillon-arsenal.com/fr/et-demain-on-fait-quoi/11780-et-demain-on-defait-quoi.html