Interviewé par Solène Manouvrier pour Ouishare, Michel Bauwens proposait en septembre dernier une synthèse et une mise en perspective des travaux entrepris ces dernières années avec notamment la P2P Foundation. L’article intitulé « Chaque fois qu’une civilisation est en crise, il y a un retour des communs » est à consulter sur Ouishare.net.
Extrait :
SM : Revenir à une production locale, distribuée… serait-ce un moyen de mettre les communs au service de l’environnement ?
M. B. : C’est ce que j’appelle la production cosmo-locale. Ni protectionniste, ni libérale, c’est partager les connaissances (ce qui est léger) au niveau mondial mais produire (tout ce qui est lourd) au niveau local, sur demande. De cette façon, on diminue le poids thermo-dynamique des gens sur la terre. On possède déjà toutes les technologies pour opérer ce changement de système, mais elles ne sont pas encore mises ensemble.
SM : Si ce n’est pas un problème technologique, qu’est-ce qui empêche de revenir à des systèmes de production locaux ? Tant qu’il existera une différence dans les coûts de production, délocaliser se justifiera toujours d’un point de vue économique…
M. B. : Aujourd’hui, on dépense beaucoup plus dans le transport que dans la production – c’est un non sens ! Pour changer les choses, il faudrait une volonté politique forte, à la fois sociale et environnementale. Il s’agit de reconnaître d’autres formes de valeur que la valeur marchande et de prendre en compte le niveau et les limites des ressources planétaires dans nos systèmes productifs, économiques et financiers.
Par exemple, nos systèmes comptables devraient être thermo-dynamiques : équilibrer la matière employée pour la production et les limites écologiques planétaire. Aujourd’hui, tu peux savoir combien tu utilises de métaux rares, combien tu émets de gaz, combien d’énergie tu utilises – sans aucune information sur le monde qui t’entoure et ses limites. Le monde peut s’effondrer, cela ne se voit pas dans la comptabilité.
Aujourd’hui, le monde peut s’effondrer, cela ne se voit pas dans la comptabilité. Cela doit également se traduire dans nos monnaies d’échange. Actuellement, la monnaie ne représente rien. Elle pourrait pourtant représenter le monde extérieur et la finitude de ses ressources. Par exemple, avec le projet “fish coin”, la monnaie représente le stock de poisson que l’on peut pêcher sans endommager leur reproduction.
Pour prendre les bonnes décisions au jour le jour et faire advenir une économie perma-circulaire véritablement durable, tous les acteurs économiques et politiques doivent être jugés à l’aune du bien et du tort qu’ils font – tant à la planète qu’aux êtres humains.
À lire aussi :
- Commons Transition : the Book, P2P Foundation
- Concevoir une phase de transition vers une société basée sur l’ouverture de la connaissance comme bien commun, Entretien avec Michel Bauwens par Richard Poynder, traduite par Frédéric Sultan et publié sur le site de Remix The Commons, 27 mai 2014.
- Pour la Transition, une économie du partage de la connaissance et des biens communs, Débat public avec Bernard Stiegler et Michel Bauwens, 16 setembre 2014
- Plan de transition vers les communs de la ville de Gand, article sur le site de la P2P Foundation
- Plan de transition vers les communs de la ville de Sydney, Wiki P2P Foundation
- Rapport La comptabilité P2P pour la survie planétaire – Vers une infrastructure P2P pour une société circulaire socialement juste, P2P Foundation, Guerrilla Foundation et Schoepflin Foundation
- La comptabilité P2P pour la survie planétaire, article sur le site de la P2P Foundation, 16 septembre 2019